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13 septembre 2008

Alberto Savinio, Maupassant et l' "Autre"

"Nivasio Dolcemare (...) avait exactement dix-huit ans et six mois, étant né à Athènes le 25 Août 1891."

S'en suit un passage où l'on apprend que Nivasio Dolcemare (anagramme d'Alberto Savinio) fait cohabiter dans son Moi des "hôtes métaphysiques". Seulement la réincarnation de Nietzsche en Dolcemare pose problème :

"Celui qui donna quelques motifs de préoccupation à Nivasio Dolcemare, ce fut Friedrich Nietzsche, lequel, étant mort en 1900, n'aurait pu reprendre vie en Nivasio Dolcemare qu'en retrogradant sa mort de neuf ans. Et pourtant Nivasio Dolcemare ne pouvait douter que, parmi les personnages auxquels il offre une fraternelle hospitalité, il n'y eût aussi l'auteur du Voyageur et son ombre. Il fallait donc admettre que l'âme d'un mort peut entrer dans un corps déjà en vie depuis quelques années, ce qui serait comme prendre un train en marche au lieu d'y monter quand il est en gare, mais, pour diverses raisons qu'il est inutile d'exposer ici, cette hypothèse répugnait à Nivasio Dolcemare. Que conclure-donc? Parvenu au comble de la perplexité, Nivasio Dolcemare se rappela à point que Nietzsche était mort en 1900, mais que son âme, laquelle est aussi raison, l'avait abandonné douze ans plus tôt, en 1888, ce qui permit à cette âme aventureuse d'errer pendant trois années entières avant de retrouver un chaud asile dans le corps de Nivasio Dolcemare. Et sa dépouille, ses yeux enfoncés dans leur orbite comme des lacs volcaniques, son front semblable à une falaise surplombant la mer, sa face moustachuie de morse mongol continuèrent pendant douze ans encore de se mouvoir, de vivre, de souffrir surtout, de souffrir affreusement et de retrouver de temps en temps pendant les pauses de la souffrance une lointaine lueur de souvenir, comme le jour où le Friedrich déjà quasiment mort, assis sur la colline qui se dresse à côté de Weimar, regardant le fleuve qui coule calmement au centre, demandait à sa soeur Elisabeth : "C'est donc vrai que j'ai écrit tant de livres... tant de bons livres?" ; ou bien comme celui où rencontrant une fillette qui revenait des champs, il lui posa une main sur la tête et, la regardant en face, demanda semblablement à sa soeur : "Est-ce que ce n'est pas là, Elisabeth, le visage de l'innocence?"

Alberto Savinio, Maupassant et l' "Autre", Gallimard, collection du Monde Entier.

Lire la suite vous permettra de savoir comment Savinio rattache Maupassant à Dolcemare et surtout découvrir l'oeuvre du très polyvalent Albert Savinio (de son vrai nom Andréa de Chirico, frère de Giorgio de Chirico, peintre surréaliste).

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