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Blog d'un citoyen du monde
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12 octobre 2008

Il faut imaginer l'homo-economicus heureux

"La vérité est personnelle. Prenez garde : tous ne sont pas dignes de la confidence."

C'est sur ces mots de René Char que s'achève pour moi une nouvelle semaine. Hier, je mettais en avant le cri rimbaldien 'à la science et en avant, crie l'Ecclesiaste moderne'. Que nous reste t-il de cet appel? Que nous reste t-il de l'Ecclesiaste 'tout est vanité'? A travers diverses réunions, j'ai pu mesurer à quel point l'avenir de l'enseignement des arts était menacé.

L'Ecclesiaste moderne n'est plus la doxa, il est l'homme du CAC40, il hurle avec son téléphone mobile 'profit', 'profit'. Ce n'est pas Rimbaud qui a traversé le siècle mais Guizot et son 'enrichisez-vous'. La vanité de l'Ecclesiaste aujourd'hui a été revue et corrigée. N'est vanité que ce qui ne permet pas de faire du bénéfice! Je me rappelle de ce passage du Manifeste du Surréalisme où Breton associe tel auteur au surréalisme. Comme l'appel dans la cour.

Apollinaire : surréaliste!

Aragon : surréaliste!

Char : surréaliste!

Ducasse : surréaliste!

L'imaginaire et le rêve répondaient présents et c'était toute la littérature qui, ivre morte, au pied du langage se préparait à amorcer une ère de tous les rebondissements. Aujourd'hui, 2 heures de Dostoïevski ont été troqués contre 2 heures de sensibilisation au monde du travail, 3 heures de Shakespeare contre autant de minutes d'informatique. Devons-nous écouter Merteuil et Valmont et dire 'ainsi va le monde, ce n'est pas ma faute!'? Devons-nous côter en bourse la littérature et les arts en général pour rappeller qu'ils existent?

René Char : +2,34% à 9,27 euros

Sacrilège! Et pourtant on en est presque là... Mallarmé s'indignait qu'on veuille mettre de la publicité en quatrième de couverture.

Je me refuse à illustrer cette idée.

Le système se fend, défaille, souffre... mais il se relèvera, ce sont les cycles schumpéterien qui le disent. L'éternel retour, trouble, rêve, perturbation, dégradation, destruction, reconstruction. Je croyais qu'on était en destruction mais apparemment non, on vit la perturbation...

"Sonoit le fuz, sonoit li fers

Et des escuz et des haubers"

(sonnait le bois, sonnait le fer et des écus et des hauberts)

Chrétien de Troyes

C'est Perceval qui doit résonner et non Lohengrin. C'est cet enthousiasme original qu'il faut remettre au goût du jour, c'est ce cercle qu'il faut briser, rompre.

Vanité

Vanité

Vanité

***

C'est l'histoire d'un monde dans lequel une pizza arrive plus vite qu'une ambulance

C'est l'histoire d'un monde dans lequel on fait du profit sur l'éducation

C'est l'histoire d'un monde...

***

Il faut imaginer l'homo-economicus heureux


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Commentaires
L
Au vue des discours du lendemain du sifflage de la Marseillais, pas sûr que l'arrogance soit partie avec la crise.
R
Très beau billet et je partage l'avis de Solko.<br /> La littérature dont tu as la nostalgie n'était accessible qu'à très peu de monde.<br /> Tu cites l'Ecclesiaste mais dans la Bible on dénonçait déjà l'adoration du veau d'or.<br /> Quant à la Bourse elle est déjà présente dans les oeuvres de Zola et de Balzac.<br /> Il semble que la crise récente veuille donner un coup d'arrêt, non à la réalité de la puissance de l'argent, ne rêvons pas mais au moins à l'arrogance du discours.<br /> Ce qui n'est déjà pas si mal...<br /> Je crois moi aussi beaucoup aux cycles que tu décris.
L
Merci Solko. <br /> <br /> Même si l'imaginaire et le rêve n'ont jamais répondu présent que chez l'individu, c'est déjà beaucoup. <br /> <br /> Peut-être que la vie des individus a toujours été une sordide bagarre, mais cette bagarre avait parfois pour but ultime la paix, aujourd'hui, elle ne consiste qu'à amortir les coups...<br /> <br /> A bientôt.
S
Oui, oui. C'est un très beau billet, Léopold, empli d'une juste colère, d'une sorte de désarroi lucide. "N'est vanité que ce qui ne permet pas de faire du bénéfice". Cela dit, l'imaginaire et le rêve n'ont jamais répondu présent que chez l'individu, je crois, principalement - mais pas toujours - dans quelques milieux assez privilégiés et pour quelques happy few seulement. Est-il fondé de croire que la vie de la plupart des hommes ait pu être un jour autre chose qu'une sordide bagarre ? L'individu seul peut, d'abord, conserver son propre enthousiasme.<br /> Merci de ce beau billet
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