Le désir dans tous ses états
René Char est celui qui désire, part en quête de l'abondance pourtant cette abondance est profondément paradoxale. Char aime l'harmonie des contraires mais comment parvient-il à épouser une abondance stérile?
Chez Dostoïevski, les personnages ne font pas l'amour et ainsi ne risquent pas d'enfanter. On court après Grushenka dans les Frères Karamazov mais on n'arrive pas à l'avoir. Tout cela donne le sentiment que la jouissance n'existe pas dans la fécondation mais dans le désir. Au fond si Dmitri et Fiodor sont prêts à donner tout leur argent et jusqu'à leur vie même pour avoir Grushenka c'est qu'ils savent que tout leur bonheur se cristallisera au moment ultime du désir.
Le fantasme absolu est de réaliser son désir tout en le maintenant ce qui se traduit chez Char par le poème comme 'amour réalisé du désir demeuré désir'. L'abondance est dans le désir, désir qui, s'il se réalise, est constamment stérile. La libération spermatique ne doit en aucun cas s'accompagner de la naissance, elle doit mourir en sortant, s'évanouir. Le fantasme est là, face à ce désir réalisé comment créer à nouveau le désir? Le recommencement est la solution que la Nature a choisi pour l'homme mais cette Nature nous fait recommencer en insistant sur le temps et dans le but de créer. Il y a là une dimension insurmontable du problème. Et quelle place pour la femme dans ce système? L'homme moderne, si l'on se réfère à une conception biblique de la sexualité, est un criminel. La femme, elle, est considérée comme une machine à procréer. La dishmarmonie biblique existerait dans cette nécessité pour que la femme vive sa liberté (c'est-à-dire avoir le choix) que l'homme devienne criminel.
Je parle pour rien, j'en suis conscient, car plus j'avance et plus la société m'apparaît comme un personnage d'Aristophane avec son immense phallus sortant du déguisement. Char et Dostoïevski montrent cette contradiction du désir. Et pourtant, si la contradiction était résolue, qu'adviendrait-il du désir?